Que l’on me fixe par les quatre coins cette pièce de soie, et je n’y mettrai point de ciel ; la mer et ses rivages, ni la forêt, ni les monts, n’y tenteront mon art. Mais du haut en bas et d’un bord jusqu’à l’autre, comme entre de nouveaux horizons, d’une main rustique j’y peindrai la terre. Les limites des communes, les divisions des champs y seront exactement dessinées, ceux qui sont déjà en labour, ceux où demeure debout le bataillon des gerbes encore. Aucun arbre ne manquera au compte, la plus petite maison y sera représentée avec une naïve industrie. Regardant bien, on distinguera les gens, celui-ci qui, un parasol à la main, franchit un ponceau de pierre, celle-là qui lave ses baquets à la mare, cette petite chaise qui chemine sur les épaules de ses deux porteurs et ce patient laboureur qui, le long du sillon, conduit un autre sillon. Un long chemin bordé d’une double rangée de pinasses traverse d’un coin à l’autre le tableau, et dans l’une de ces douves circulaires on voit, avec un morceau d’azur au lieu d’eau, les trois quarts d’une lune à peine jaune.
1896 – Connaissance de l’Est