Catégorie : Reste

#1492

On a si souvent rêvé la rondeur. Elle caresse le regard et le velours de l’herbe verte sollicite la main. On ne découvre pas une colline, on la retrouve. Elle ramène à une douceur jamais vécue et familière. La terre entre dans le ciel, sans heurts et il n’est plus l’infini effrayant. On entre dans le paysage et on sait qu’on est encore hors de lui.

#1487

celle qui la première nuit dit j’aime tout, celle qui a oublié son mari dans ses mémoires, celle dont l’amie s’est jeté sous un train, celle qui à quarante ans rêvait d’un vélo, celle qui religieuse avoue sa peur de la mort, celle qui a été donnée en mariage à la place de sa sœur cadette demandée, celle dont la mère est morte la veille du premier jour d’école, celle qui n’a pas eu de père, celle qui a quitté l’usine et la montagne pour élever les quatre orphelines, celle qui a été mise en maison à 15 ans, celle qui disait chez Les Bourgeois et on entendait les majuscules, celle qui a eu un mari boucher puis routier puis cafetier puis a été quittée, celle qui disait ce n’est que vous en ouvrant la porte barrée d’une chaine, celle qui disait la juive en parlant de la femme qui avait libéralisé l’avortement et elle enceinte avait dû se marier précipitamment, celle qui travaillait aux pièces, celle dont on a retrouvé la voiture vide sur le parking au pied d’une montagne noyée dans la brouillard, celle qui était heureuse et avait oublié des pans entiers de sa vie, celle qui préparait le même repas à chaque fois qu’elle avait des invités, celle qui était née dans le même village que le peintre des nuits, celle qui a été élevée par une tante qui notait la moindre dépense faite pour elle, celle qui n’a connu qu’un homme, celle qui a épousé un homme malade revenu des guerres coloniales, celle qui parlait encore de rendre une invitation vingt ans après, celles qui sœurs avaient toutes des prénoms en ine mais pas d’Albertine, celle qui a détenu un record national de natation et vend le poisson au marché et détester nager, celle qui vierge a connu vieillard le peintre des danses, celle dont le mari s’est pendu et voulait apprendre à taper à la machine, celle qui lisait les psaumes, celle qui notait dans un grand livre à la couverture cartonnée les événements importants de la famille, celle qui a épousé un adjudant à la retraite diabétique portant une fine moustache, celle qui avait été une seule fois au cinéma et se rappelait avec émerveillement le film vu, celle qui abordée dans la rue par son futur mari lui avait répondu mais je ne vous connais pas monsieur, celle qui avait toujours des bouteilles de vins ouvertes dans son réfrigérateur mais n’en buvait pas devant ses invités, celle dont nous ne savons seulement que fille mère elle a laissé sa fille orpheline à cinq mois, celle qui disait j’ai eu un ange, un génie, un saint et elle oubliait un fils et une fille, celle qui n’a eu à elle que ses maladies, celle qui se réveille à deux heures du matin et la nuit est finie et la vie est longue elle pourtant proche de la fin, celle qui n’a jamais dansé, celle qui est morte en paix, celle qui tricotait des chaussettes en laine vierge pour les offrir en cadeau à Noël, celle qui taisait la douleur d’enfanter, celle qui a 50 ans refusait les vêtements noirs pour avoir dû porter le deuil de sa mère enfant, celle qui disait une fois qu’on a des enfants on n’est plus jamais tranquille, celle qui les jours de neige allait au-devant de son fils, celle qui avait offert une louche à sa belle-fille disant c’est pour votre collection, celle qui parlait de ses amies et on continuait à lui demander si elle allait se marier, celle qui avait perdu un enfant et n’en parlait pas, celle qui disait j’aurais tant aimé avoir un fils qui ait un uniforme et elle en avait deux anarchistes, celle dont je n’ai pas connu l’écriture, celle qui est morte un jour de neige, celle qui n’avait jamais eu ses règles, celle qui est devenue folle le lendemain de Noël, celle qui est au coin de sa fenêtre rideau écarté, celle qui aurait pu être chanteuse d’opéra mais la peur, celle qui n’allait ni aux mariages aux enterrements, celle qui n’avait pas de date de naissance, celle qui allait souvent chercher son père ivre au café le soir, celle qui disait je n’ai pas le temps de regarder le ciel, celle qui garde ses bagues en faisant l’amour, celle qui ne s’assoit pas, celle dont on n’a qu’un nom, celle qui sait, celle qui continuait à manger des biscuits quand ses deux jambes déjà amputées pour le diabète, celle qui m’a fait par hasard

#1479

Fixe, pour ne pas se retourner, comme si cela tenait à distance le chœur, les murs encerclant formant place, deux yeux plein cintre sont les seules portes vers le labyrinthe du bourg glissant jusqu’au pré minuscule créé par le tremblement de terre et les grilles devant le vide. Accolées les façades: la maison de dieu, celles de ses hommes, celle des riches du Nord à trois étages et salon de musique, l’Égyptien qui tient le bar, le cavalier qui tourne les îles en nageant, la sœur de la veuve du chef d’orchestre mort dans un accident d’avion, l’Anglaise et son mari qui louche et promène le chien, le musée du peintre aveugle où se tiennent les réunions du comité central, une portion de château  appartenant à une société domiciliée à Monaco, le couple de soigneurs de fous, Cornélius, peintre de murs, les parents de la plus belle fille du village, celui qui cherche des compagnons pour aller en Sibérie. Au centre le feu, allumé une fois par an, et c’est la croix de bois au sommet du bûcher à s’effondrer en premier, les bêtes tournent autour, il brûle toute une semaine et six mois plus tard, l’enfant de trois ans désigne son emplacement.

#1473

Il n’y a pas de passage entre le proche et l’infini, entre un mur et le fond du ciel: une arrête, une ligne mathématique sans profondeur. Les deux densités extrêmes de l’espace, le plein et le vide, juxtaposées l’une à l’autre. Et l’oeil à l’extérieur contient les reflets d’une moitié de l’univers. Une mouette posée, crée l’entre-d’eux. Elle est dans le ciel, excepté le bref contact des pattes qui se balancent et se reposent en claquant. La tête tourne et l’oeil rond fixe les autres yeux. Larmes ou rire, larmes et rire.

L’eau continue de couler sous le pont

– Vouloir, voici la folie
– Il y en a quelques autres
– Ce serait prétendre se sculpter soi-même
– Tu préfères donc t’offrir au vent et à la pluie
– N’être que soi, ne rien vouloir d’autre
– Tu te voudrais en dehors, n’importe où en dehors
– Non, simplement ne rien vouloir
– Vouloir ne pas vouloir
– Non, ne pas être dans la poussée, le gonflement, connaître le bonheur des pierres
– Les pierres ne sont pas heureuses
– Comment le sais-tu ? Tu n’es pas une pierre
–  Et toi, tu n’es pas un poisson

#1369

La figure est seule sur la carte. Un cadre en sus. Elle ne connaîtra son envers que par celui de ses semblables sans savoir s’il est semblable au sien. Elle suggère, invite, dicte, dévie, commande et elle ne saura rien du jeu mouvant, du ballet de la lumière: elle siège dans l’immobilité, un nombre – hors épaisseur.  

La rêve

Le sordide est une couleur dans le froid du matin, la rue sinue, devient place, seuls sont les pauvres pour prendre le pain.

*

Elle, encore, et pour nous, entre nous, la voiture de l’oncle mort, arrondie.

*

Triangle, et la question de la consistance.

*

Nous nous aimions et je ne savais quel était son nom, celui où il y avait l’amour, ou bien celui de sa naissance, repris depuis peu.

*

Une bouche à qui j’offrais l’étouffement, un honneur, mes mains inertes, je ne les voyais pas.

*

L’intervention: bris de briques poussées au fond de la niche creusée dans le mur.

*

Le chanteur quelconque est mort, qu’est-que cela me fait me demande mon frère.

*

Elle dit qu’elle dit qu’elle a un loup en elle.

*

Un sac de riz – plus qu’à moitié vide mais lourd encore, posé, s’étant affaissé, tassé. Aucun mouvement n’était pensé. Est-ce que le carrelage gris qui le supportait s’étendait hors des limites du regard? Et quoi, au delà des raisons, des raisonnements, des explications, des interprétations, des élucidations?

*

Ampleur et lenteur. Accepter d’être long et négocier l’élargissement des courbes. Braque, braque, disait le père, rude. Promener un plateau serait-ce mieux que promener un miroir? Oui, pour les jambes ballantes des enfants.

*

Il y avait des portes. Il n’y avait qu’elles en quinconce, formant un labyrinthe, fermées, ouvertes, ou dans l’hésitation, immobilisé par le doute dans l’entre-deux. Je pouvais les éviter ou les traverser ; en aucun cas je n’échappais au ciel et l’enfermement n’était plus pensable. Toujours j’allais dehors, toujours j’étais arrêté.

Journal de la phrase

Aujourd’hui, j’ai élu une peur.

Aujourd’hui, j’ai acheté de l’acide.

Aujourd’hui, j’étais tout à la pluie.

Aujourd’hui, j’ai détaché mon nom de pages

Aujourd’hui, j’ai émietté des images.

Aujourd’hui, je suis passé au travers du cadre après l’adieu.

Aujourd’hui, j’ai dépoussiéré mon éléphant.

Aujourd’hui, j’ai suivi un vitrier sur la voie consulaire.

Aujourd’hui, j’ai massé des mailles.

Aujourd’hui, j’ai remisé des chaînes.

Aujourd’hui, j’ai instauré un autel.

« Aujourd’hui, je suis toujours. »

Aujourd’hui, j’ai jeté une poubelle.

Aujourd’hui, j’ai balayé les murs.

Aujourd’hui, j’ai rempli la malle de l’œuvre.

Aujourd’hui, j’ai lavé les peignes.

Aujourd’hui, j’ai montré un mur.

Aujourd’hui, j’ai été émerveillé par la netteté.

Aujourd’hui, j’ai dépecé des cœurs.

Aujourd’hui, j’ai raccourci un poème d’amour périmé.

Aujourd’hui, j’ai aboli une énigme.

Aujourd’hui, j’ai traversé le code d’un mort.

Aujourd’hui, je n’ai pas reconnu l’ami en rêve.

Aujourd’hui, j’ai relu Lac.

Aujourd’hui, j’ai été surpris par le prix des miroirs.

Aujourd’hui, j’ai trahi l’Étoile pour Jupiter.

Aujourd’hui, j’ai posé le livre des animaux sur le bois.

Aujourd’hui, j’ai dessiné l’usine à gaz avec des mots.

Aujourd’hui, j’ai secoué les miettes de mes poches.

Aujourd’hui, j’ai déplié une feuille : à l’intérieur le mot d’oubli.

Aujourd’hui, j’ai recopié une rature.

Aujourd’hui, j’ai été vissé deux fois.

Aujourd’hui, j’ai feuilleté Aujourd’hui je dors.

Aujourd’hui, j’ai été suivi par celui qui lit Proust à l’envers.

Aujourd’hui, j’ai été quitté par un inconnu.

Aujourd’hui, j’ai attendu une feuille.

Aujourd’hui, j’ai publié un poème d’amour périmé.

Aujourd’hui, j’ai scruté la mère de Lucrèce.

Aujourd’hui, j’ai dit le rêve de l’arbre.

Aujourd’hui, j’ai choisi des manières d’offrir au hasard.

Aujourd’hui, j’ai rempli mon sac de feuilles sèches.

Aujourd’hui, j’ai poursuivi la poussière sur les murs.

Aujourd’hui, j’ai signé en aveugle.

Aujourd’hui, j’ai fixé une autruche.

Aujourd’hui, j’ai scruté la toile pour retrouver une blessure.

Aujourd’hui, j’ai planché sur des rapprochements d’identité.

Aujourd’hui, j’ai tondu trois têtes.

Aujourd’hui, j’ai mêlé des gants près du lit.

Aujourd’hui, dimanche, je me suis rendu au cauchemar de Jeudi.

Aujourd’hui, j’ai douté de la date.

Aujourd’hui, j’ai rompu l’anse.

Aujourd’hui, j’ai recopié devant une muraille.

Aujourd’hui, j’ai accompagné le fils arpenteur près du château.

Aujourd’hui, j’ai noté au miroir la disparition d’un point d’interrogation.

Aujourd’hui, j’ai guetté des palindromes.

Aujourd’hui, j’ai brûlé mon nom dans un évier.

Aujourd’hui, j’ai supprimé autant d’amis qu’il y a de noms de dieu.

Aujourd’hui, j’ai tracé des lettres dans ma main comme alibi.

Aujourd’hui, j’ai poursuivi La Promenade dans la bibliothèque.

Aujourd’hui, j’ai lutté pour retrouver des accents.

Aujourd’hui, j’ai perdu un code.

Aujourd’hui, j’ai photographié une maison derrière la grille d’une cage. .

Aujourd’hui, j’ai laissé deux pages blanches dans le carnet des rêves.

Aujourd’hui, j’ai tourné autour des murailles du Vatican.

Aujourd’hui, j’ai débusqué un piège à rats dans un aéroport.

Aujourd’hui, j’ai été choisi par un miroir.

Aujourd’hui, j’ai écouté mes phrases lues et devenues joie.

Aujourd’hui, j’ai soupesé le kilo de Tarkos.

Aujourd’hui, j’ai éprouvé le marteau sur ma mâchoire.

Aujourd’hui, j’ai aspiré des fourmis.

Aujourd’hui, j’ai brûlé un nom près de la fontaine.

Aujourd’hui, j’ai aidé le mage des chats.

Aujourd’hui, j’ai écouté le loup dans le livre puis dans ma vallée.

Aujourd’hui, je suis entré dans une forêt en chansons.

Aujourd’hui, je suis allé bouffer ma banane non pas sur une timbre mais sur mon balcon.

Aujourd’hui, j’ai écouté mon sosie.

Aujourd’hui, j’ai assisté dans la rue au poème écrit hier.

Aujourd’hui, j’ai ramassé des feuilles de ginkgo dans une rue sans arbres.

Aujourd’hui, j’ai provoqué une division parfaite.

Aujourd’hui, je suis resté à côté de la pluie.

Aujourd’hui, j’ai fait choix d’un manteau rouge.

Aujourd’hui, j’ai tourné autour de la déesse bleue ciel.

Aujourd’hui, je me suis tenu debout jusqu’à ce qu’un tableau sorte de l’ombre.

Aujourd’hui j’ai fait et défait les tables.

Aujourd’hui, j’ai cherché de la mousse dans la nuit.

Aujourd’hui, j’ai nettoyé mes lettres.

Aujourd’hui, j’ai lancé un disque à un chien.

Aujourd’hui, j’ai trouvé une pierre où m’asseoir.

Aujourd’hui, j’ai acheté le vide des tasses.

Aujourd’hui, j’ai posé un trident.

Aujourd’hui, j’ai noté un boomerang sur l’autel.

Aujourd’hui, j’ai recollé une main.

Aujourd’hui, je me suis endormi au nom d’un fleuve.

Aujourd’hui, j’ai assisté à la fonte d’une idole.

Aujourd’hui, j’ai soufflé la poussière du livre vers la vallée.

Aujourd’hui, j’ai touché un sac parlant pendu.

Aujourd’hui, j’ai débusqué un hétéronyme.

Aujourd’hui, j’ai poursuivi une éponge.

Aujourd’hui, j’ai écrit nu.

Aujourd’hui, j’ai posé mon Journal sur les factures.

Aujourd’hui, j’ai effacé un an.

Aujourd’hui, j’ai misé sur l’instant.

Aujourd’hui, j’ai lu la quatre-vingt troisième tombe.

Aujourd’hui, je n’ai pas su écrire le mot absence.

Aujourd’hui, j’ai été sur un pied sur une échelle, immobile.

Aujourd’hui, j’ai laissé le temps où je ne connaissais pas le mot de pétrichor.

Aujourd’hui, j’ai cureté une fractale.

Aujourd’hui, j’ai mangé des feuilles de pain.

Aujourd’hui, j’ai retrouvé la fleur en bois – rouge.

Aujourd’hui, j’ai vu le vide au-dessus de l’hôtel.

Aujourd’hui, j’ai recueilli la poussière des murs.

Aujourd’hui, j’ai détaillé du regard un étal de poignées de portes.

Aujourd’hui, j’ai écrit cette phrase à l’encre verte.

Aujourd’hui, j’ai produit un cube.

Aujourd’hui, j’ai commencé l’histoire des murs.

Aujourd’hui, j’ai lancé des poèmes vers un rectangle.

Aujourd’hui, j’ai compté les miroirs de la maison: quinze.

Aujourd’hui, j’ai mangé dans le noir.

Aujourd’hui, j’ai lancé deux pierres par la fenêtre de l’été.

Aujourd’hui, j’ai été déposé sur la carte.

Aujourd’hui, après avoir rangé la bibliothèque, il restait un livre: Espèces d’espace.

Aujourd’hui, j’ai vu l’image au plus près de la nuit.

Aujourd’hui, j’ai envoyé mon image, une.

Aujourd’hui, je n’ai pas été reconnu en abaissant mon masque.

Aujourd’hui, j’ai écrit avec un cube vert sur la table.

Aujourd’hui, j’ai soufflé la poudre vers la nuit.

Aujourd’hui, j’ai mis un masque à la nuit.

Aujourd’hui, j’ai lu les tables.

Aujourd’hui, j’ai jeté les vêtements vides de moi.

Aujourd’hui, j’ai goûtée une mémoire.

Aujourd’hui, je me suis assis pour mieux tomber.

Aujourd’hui, j’ai écrit six fois la date d’aujourd’hui.

Aujourd’hui, j’ai cassé le quatrième couteau.

Aujourd’hui, j’ai morcelé les chèques.

Aujourd’hui, j’ai entendu le Nom de l’amant sans nom.

Aujourd’hui, j’ai regardé mon sang.

Aujourd’hui, j’ai suivi du doigt la logique des câbles.

Aujourd’hui, j’ai arraché mon nom des livres.

Aujourd’hui, j’ai soupesé le mot comme.

Aujourd’hui, j’ai entendu la basse.

Aujourd’hui, j’ai embrassé l’amande.

Aujourd’hui, j’ai offert des libations à la colle.

Aujourd’hui, je me suis assis par terre dans la ville.

Aujourd’hui j’ai été agacé par le palindrome.

Aujourd’hui, je suis allé rue des discoboles.

Aujourd’hui, j’ai observé le découpe de vers serbes.

Aujourd’hui, j’ai récité sur une pelouse, à la nuit.

Aujourd’hui, j’ai suivi du regard une faille traversant ma maison.

Aujourd’hui, je me suis allongé, écrasé, plié jusqu’à être englouti par le bain.

Aujourd’hui, j’ai connu le bonheur par débordement.

Aujourd’hui, j’ai considéré mon émail brisé et rongé.

Aujourd’hui, j’ai trouvé deux os à traduire.

Aujourd’hui, j’ai vu s’allumer un feu de trois jours.

Aujourd’hui, j’ai connu le point de perfection: entrer dans la cuisine à l’instant où le lait déborde.

Aujourd’hui, j’ai lu les poèmes de personne avant le jour.

Aujourd’hui, j’ai lutté, défait par les plumes, la topologie de leur enveloppe.

Aujourd’hui, j’ai épuisé le sel.

Aujourd’hui, j’ai écrit quatorze portraits d’un seul visage.

Aujourd’hui: Henry James, d’un côté ; Tchekhov de l’autre : je n’étais pas au milieu.

Aujourd’hui, j’ai cherché des Y.

Aujourd’hui, j’ai brisé un seau.

Aujourd’hui, j’ai écrit le journal de la fièvre.

Aujourd’hui, j’ai découpé chaque planche de l’armoire en deux parties égales.

Aujourd’hui, sous la lampe, le faisceau des angles, l’enjambement du compas.

Aujourd’hui, j’ai plié, déplié, replié, lissé.

Aujourd’hui, j’ai dicté.

Aujourd’hui, je n’ai pas lu une phrase.

#245

Toute la musique écoutée depuis la naissance, rassemblée, enroulée, serrée au plus près, cela tiendrait dans quoi? Une main ouverte devenant poing? Un sac de plastique gonfé de vent? Une malle à hétéronymes? Un cercueil? Une chambre de bonnes sous un toit de zinc chauffé à blanc? Le vide d’une vie?

#237

La courbure souligne la perfection géométrique essentielle de la plaine. Demandez-vous ce qu’est une ligne, non devant le tableau noir offert à la craie mais all’aperto et vous en viendrez à douter de tout, cependant que vous serez assaillis comme jamais par le réel. Et tout cela parce qu’au centre qu’il institue par sa seule présence, trône un arbre. Ou plus simplement: il y a un arbre.

Initalement paru dans le Tempestaire