Catégorie : Minutes de la multitude

Minutes de la multitude #41

Tunnel : il n’y a plus que la scène de la voiture du train.

Train du matin et train du soir. Le parcours du soir ne serait pas, à l’envers, celui du matin mais dans l’autre sens, mais sa poursuite dans l’obscurité, la journée entre les deux s’effacerait. Il ne resterait que le matin et la nuit, le paysage n’étant que sa propre disparition progressive. Du temps, traversé, et seul.

Le quai vide baigné de lumière, les portes s’ouvrent. Quels fantômes montent?

Minutes de la multitude #40

Matin : la peur légère. La lumière est distante.

La fenêtre est peinte : noire, blanche et bleue. Des points. Je m’approche. Apparaissent des points. Serrés mais séparés, se rejoignant, se fondant, n’étant plus que couleur. Le regard se lève et rencontre les peignes des arbres nus dérivant.

L’arrivée survient à l’imprévu : je suis égaré dans les lacets des pensées. Où est passé le temps?

Minutes de la multitude #39

Un mur. Incliné. Gris. Humide. Moussu. Reste après que le train ait glissé. Et si la mémoire était gouvernée par le hasard?

Avec ma nuit. Une phrase qui serait un manteau, peut-être. Elle reste seule, une ile, rien qui la prolonge. Elle reste.

Ils reviennent, ils se rappellent à toi, plus facilement dans la théâtre de la longue voiture illuminée violemment et de la nuit sans distance : non pas seuls mais comme collections, les fantômes.

Minutes de la multitude #38

Écran de ma fatigue. Rien n’attire, rien ne retient. La perception de l’enveloppe du pardessus occulte tout le reste. Désir d’un capuchon. Je pourrais m’endormir au milieu de tous sans réticence.

Pour la deuxième fois, un sac de plastique tombe puis est ramassé. Est-ce que cela suffit pour établir une scansion?

Tu venais chaque jour ici, mais par la route, par une autre route, en voiture, le soir et non le matin. Tu frôles le passé. Penser qu’il y a un double de toi, un fantôme.

Minutes de la multitude #37

Je fixe la page noire, pour éviter du regard les mots, voisins et invisibles, les laisser s’approcher. Je reviens à, sent le mouvement dans mon corps, relève la tête, découvre des visages penchés, chacun sur sa page grande comme une palme.

Et l’été encore là, dehors, immobile, s’embrasant, s’achevant.

Étonnement, oui, qu’il y ait une vie, des bonheurs, des choses allant à leur fin, et d’y être, peu, presque, peut-être pour peu encore, dans la fin et dans le matin.

Minutes de la multitude #36

Lumière en face à travers les vitres rayées, usées, lumière de peu de couleur, floue, fatiguée comme l’œil qui regarde.

Elle est longue et tourne comme une liane. La robe est droite, blanche et courte. Des pieds à sa tête, le regard se relève entraînant le tête. Le visage reste inconnu.

Souvenir effacé : avoir fait le voyage avec la Triestine. Vingt ans.

Minutes de la multitude #35

Analogie des soubresauts du train et des élancements du corps las.

J’avais oublié d’où venait la lumière.

Le ton de la voix automatique. Elle continue après la fermeture des portes. Air vibrant pour quoi?

Minutes de la multitude #34

Portes fermées, le moteur redémarre puis s’arrête. Pause figée. Ce pourrait être l’illumination, la folie.

Accélération anormale inhabituelle, le train est comme endiablé, il sent l’écurie.
Corps inerte, sans réaction à la fin de la journée.

Elle feuillette un agenda large. Listes, paragraphes. Mêmes vues de loin, les lettres sont régulières. Son ventre est arrondi. Quelle vie écrit-elle ?

Minutes de la multitude #33

Sans lunettes, je ne vois que les taches claires des masques, flocons, pétales.

Il y a de quoi remplir prison et asile, et chacun est courtois dans la distance, le maigre désir de retrouver logis et couche.

Ce sont les lumières qui font le voyage, tremblantes, chacune lointain qui restera inconnu.

Minutes de la multitude #32

Appréhension myope de la voiture. Buée aux vitres.

Est-ce que je taillerai jamais la toile du paysage pour entrer ici, là déjà, pour retrouver le double qui m’attend, heureux, pour mourir.

Le train, sur le quai, dans la gare. Et c’est le mitan du jour. Où est l’obscur?