Catégorie : Minutes de la multitude

Multitudes #60

Portes ouvertes : le train glisse lentement sur son erre, terres gorgées d’eau, ronces, rouilles ; les portent claquent.

Au milieu de la conversation qui se joue dans une langue inconnue de moi, je suis les mouvements des mains, le rythme des phrases, les inflexions, les regards. Autre est le jeu.

À l’approche du terminus préparatifs lents gestes de vieillards précautionneux.

Multitudes #59

Un visage rond, enfantin presque, lointain, m’attire par le rouge  des lèvres, la rencontre de nos regards, même si je ne distingue pas les yeux. Je me retourne : un homme en treillis de camouflage.

L’avant-dernier arrêt. C’est déjà la ville. Les demi-riches montent et restent debout. Ils frôlent les pauvres assis et endormis.

Celui qui parle seul et haut sans que personne ne le regarde, ivresse ou folie, est-il différent de celui qui sur le siège d’en face écrit sans être lu ?

Minutes de la multitude #58

La nuit est seulement un bruit.

Quelle a été leur journée à chacun? Pour toi, c’est maintenant la fin, dans l’oubli déjà. Tu es le cheval rentrant à l’écurie. Fourbu. Abêti.

Surprise de voir la gare du terminus. Déjà arrivé. Temps manqué.

Minutes de la multitude #57

À pas mesurés sur le sol rayé. Remonter, aller vers l’avant. Ressentir l’immobilité du train.

Défilement très lent. Pas de perspective : un mur, le bord de la voie. Trop lent pour forcer le passage dans la mémoire. Trop rapide pour être regardé.

Une nouveau rythme entêtant, entraînant. Inconnu.

Minutes de la multitude #56

Deux billets pliés, origamis contradictoires posés sur le cratère évasé d’un siège vert. La beauté est partout et nous serions étouffés si nous ne fermions pas les yeux.

La moue. Dégoût, envie, fatigue, tristesse, mépris. Ses yeux passent sans se poser. Sa beauté est distante. Ses lèvres ne se desserrent pas. Elle est toute hauteur.

Rainures du revêtement de plastique noir. Dans les creux, la poussière et la crasse sédimentées laissent un ton gris. Au regard perdu, les lignes dansent.

Minutes de la multitude #55

Lumière comme si l’hiver était oublié, la voiture vide. Voyager au milieu du jour, sans hâte. La vie serait facile.

Première fois : je suis monté dans le train en suivant les instructions du général que j’ai attendu au terminus avant d’aller au bord du lac chez le Kantien.

Le tunnel avant le terminus, la ville en son centre. Tu vas être rendu – Déploiement mental de tous les sens.

Minutes de la multitude #54

À chaque arrêt, quelqu’un descend et vide le train. La voiture est rendue à sa beauté figée d’objet, baignée par la lumière d’octobre.

Ils me regardent écrire comme on regarderait un fou peu dangereux. Qu’est-ce qu’il y a de folie dans mon obstination d’écrire? Combien d’écriture entre la folie et moi?

Ai-je jamais embrassé dans ce train?

Minutes de la multitude #53

Je suis avec le fils. J’explique, Je montre. Les mots ne vont pas au delà du réel commun. Il ne saura rien des images que je rencontre..

Train immobile dans le tunnel de la gare. Il est dans les échecs comme une course. Je suis hébété.

Décrire la déliquescence de la gare. Une liste naît en moi. Il faudrait toute une journée pour le regard pour le mener à sa fin.

Minutes de la multitude #52

À l’arrêt. L’affiche des horaires décollée découvre l’affiche des horaires de l’année passée. Le triangle décollé à l’envers gris perle se balance au vent du tunnel.

Inhabituellement, je suis debout. Je suis plus haut que dans mes souvenirs : j’ai grandi, le train a rapetissé, la mémoire comprime, ou bien je divague.

Je suis le seul à descendre. Tout de suite sur la rue vide. Un train passe dans l’autre sens sans s’arrêter. Il n’y a plus qu’à marcher comme s’il y avait un but.

Minutes de la multitude #51

Myope, sans lunettes, je ne vois que les taches claires des masques, flocons, pétales.

Dans un autre train, similaire, je n’ai rien à écrire. Pas de répétition faisant du temps mémoire. Comme dans le livre de l’enfant, ce n’est pas mon train.

Assis, un avant-bras vertical, la main posé sur le crâne, le coude touché par l’autre bras horizontal. Les yeux se ferment, le bras empoigne la barre de soutien verticale. Il est labyrinthe à lui-même.