Catégorie : Dual

dual #15

« les possibles – écarlate sans cadmium », aquarelle 21 x 33,5 cm. 

Joëlle Bondil


Comment sais-tu que c’est une île, si tu n’en n’as pas fait le tour. Il disait cela,sa première phrase au matin alors que j’étais assis, lui debout, le soleil dans le dos, en face de moi. Il faudrait en faire le tour en une seule fois, ajoute-t-il. Je hasarde : sans rencontrer la nuit. Il hésite, il acquiesce. Il baisse la tête pour la relever et brièvement sourire. Il court, il ne peut que courir, tout de suite au-delà de la terrasse, buissons, le pli de l’herbe, le vallon. Quand il revient, je suis assis, je n’ai pas bougé, le soleil s’est élevé, des gouttes de sueur sur son front : les compter, ce serait savoir le nombre de ses années. Ses traits sont nets. Il raconte. Il y a encore une mare, une seule, la dernière. Elle sera bientôt flaque, de la taille d’un chien, d’une main. Il a encore vu le ciel à ses pieds, cerné par la terre sèche. Il dit, comment savoir si l’île est de terre ou de mer.

dual #14

Photographie de Paolo Pittori

ce que retient
le mot drap
seule étreinte
la brume pâle

matin est gésir
point d’argent
points sombres
crois le delta

illisible jusqu’à
la lettre bleue
ailleurs l’ortie
le roman sale

dual #13

il manque des mots
(toujours est en aguet)
aux nuances du bleu
encore agrandies d’ailleurs
d’eau en attente de vent
– ce qui passé nous arrive
cette lumière en don
seuil de grâce

Photographie de Gracia Bejjani

Dual #12

Photographie de Françoise Durif

mot cygne lu
si souvent sans couleur
quand vu caché derrière
le mot la bête sur l’eau
sale sombre de douves
saupoudrées d’éponges
de mie de pain et veilles
poésies revenant en nausées
comme devant l’émail
des lavabos petits
pisse foutre spleen
à regarder les plinthes
sans pouvoir se
perdre aux corridors étroits

dual #11

qu’il y ait des œuvres sans nombre, sans titre, sans matricule, sans tatouage, sans marque, sans gravure, sans impression, sans idée – offrande à la géométrie du temps et à sa rouille

Dual #10

Dents, ongles. La persistance, c’est pour la pensée soir quand tout est bas. Voilà ce que disaient ses mots. De dans la mémoire on était passé à en mémoire. Un basculement, ajoutait-elle, puis silence. Comment aurais-pu prendre son bras?

Photographie de Dominique Souse

Dual #9

– tu – me – laisses – pour mémoire –

Dual #8

À côté, oui, je regarde à côté, je fais à côté. Je suis à côté, on me dit dans dedans. Reproche : tu n’est pas assez dedans. Lorsque j’ai appris à écrire, j’étais fasciné par la simplicité du mot dans, court et séparé pourtant des autres. Quatre lettres : assez pour faire un carré. La vie, trois lettres, est une affaire de prépositions, peu importe le contenu. Où es-tu par rapport au carré? Où places-tu le carré? Où regardes-tu? Dans? À travers? Hors? Où es ton mur? Quelle est ton énigme? Ton carré noir? Image de Olivia De là

dual #7

dual_7

je me suis écrit – il y avait l’ordre et le bonheur au cœur, au secret

dual #6

dual_6

offrir des fleurs au temps?