Il se lève longtemps avant le jour, écrit, entre dans une autre vie, voiture, entretiens, arrive dans un de ses bureaux. Avant de s’asseoir le téléphone sonne. Il le sort de sa veste, répond d’un ton enjoué, cher ami et s’assoit devant un bureau vide. Une secrétaire empressée apporte le courrier à parapher. Il lance un autre appel, lit ses mails. Déjà un rendez-vous. Il pose des questions incisives, avance des idées, un quart d’heure, un autre visiteur, un autre continent. Il va s’asseoir sur un canapé de cuir frais. Il s’enfonce à peine, rebondit. Il explique. Le bras se déploie, construit. Les théories surgissent d’un mouvement de main. On apporte le thé. Il en boit tout au long de la journée. Il a presque abandonné le café qui l’a mené au bord de la mort. Il avance la tasse, trempe ses lèvres, la repousse immédiatement pour reprendre la parole. Il se retrouve seul, donne quelques ordres au téléphone, puis, un instant de silence et d’immobilité, il se tourne vers un ordinateur, note quelques lignes, une pensée, un éclair, le début d’un chapitre, un poème. Il n’a jamais fait lire ses poèmes. La réunion, déjà. Un acteur, un ancien ministre, des capitaines d’industrie, des jeunes gens qui ne sont qu’ambition, des femmes beauté. Il présente, invite, convainc. Il serre des mains, multiplie les apartés. La salle est vaste, généreusement pourvue de coins où l’on peut renverser des fortunes ou conclure des coups d’état à mi-voix, la tête penchée, un verre à la main. Il est dans l’ascenseur, déjà. Il évite les miroirs, fixe un point indécis, légèrement au-dessus de lui. Il est immobile. Peut-être est-ce alors, pendant la chute feutrée de quelques dizaines de mètres, qu’il dialogue avec Dieu.