Il est assis devant une table. Un verre, une bouteille d’eau. Le voici devenu conférencier. Les livres en pile renferment ses mots, alignés, en ordre. Il les a choisis, combinés ; tous les autres, retranchés, exclus, se sont évaporés. Il les a oubliés, et tout comme les siens, ils se tiennent à distance. Sa main tendue se referme sur l’air silencieux. Devant lui se sont assis les ennemis et les indifférents, venus le regarder agoniser, pour tromper l’ennui. Ils ne bougeront pas, garderont les yeux fixés sur lui ou s’endormiront. Il ne peut se défendre car nul ne l’attaque. Démuni du langage, en butte à la parole commune, le silence l’effraye soudain. Il ne fait qu’un avec le vide. Une phrase et il se hait. Il se renie en parlant et parle encore : les griffes sont invisibles. Un rythme s’établit, des périodes naissent. Il découvre des idées nichées au cœur des phrases qui résonnent en avant de lui et l’entraînent. Il est passionné par ce flux. Il est transporté. Presque à regret il s’abandonne aux applaudissements. Il boit: eau transparente, verre transparent. Les mots du livre définitivement silencieux ne lui appartiennent plus.